Interview: Olivensteins

Docteur Punk!

Complément à l’interview paru dans le numéro 118 disponible ici!)

« Rompre avec les images classiques du rock’n’roll »

Quand on est français et amateur de punk rock, impossible de ne pas connaitre Les Olivensteins, auteurs de l’hymne « Fier de ne rien faire », repris quelques années après par les non moins mythiques Thugs.

Pourtant ce groupe culte de Rouen formé en 1978 n’a vécu que 18 mois (soit l’équivalent de deux maternités!) et sorti qu’un 45t. Faut dire que leur style musical dénotait des autres groupes punk de l’époque, notamment par leur humour décapant et une musique à la fois instinctive et recherchée. Born Bad sortant une compilation définitive de tout ce qui a pu être enregistré par le groupe, la tentation de discuter avec Eric Tandy, auteur des textes du groupe chanté par son frère Gilles, était trop grande pour passer à côté. Alors causons vite et bien!

Quelque part si votre groupe s’est éteint si rapidement, c’est a cause de votre nom, qui vous a valu un procès par le fameux docteur ?

Le groupe s’est arrêté parce qu’aucune maison de disques (à l’époque les labels indépendants capables de produire un album d’un groupe comme le nôtre n’existaient pas !) ne voulait prendre le risque de signer les Olivensteins sans avoir l’accord du docteur pour le faire. Si nous avions eu un autre nom, je pense que nous aurions en effet pu trouver quelqu’un pour financer et sortir l’album que nous désirions faire. D’ailleurs, Philippe Constantin, (alors éditeur) et Barclay semblaient intéressés. Quant à l’autoproduction, à l’époque, ça n’existait tout bonnement pas en France! De toute façon, nous n’avions pas un rond pour nous autoproduire.

Le fait de n’avoir eu qu’un 45t du temps de votre « vivant », cela vous rend t-il le « groupe punk ultime » ?

Non, ne serait-ce que parce qu’à l’époque il n’était pas rare qu’un groupe fasse seulement un 45t. Cela faisait partie de l’ambiance du moment : tu formes un groupe, tu écris deux chansons, et tu enregistres avec les moyens du bord. Après, tu continues ou tu passes à autre chose ! Ce qui était rafraîchissant dans les années 1976/1979, c’est que l’on n’avait aucun plan de carrière et que l’on ne pensait qu’à faire vivre l’instant.

A votre avis pourquoi « Fier de ne rien faire » est-il devenu aussi culte ?

Le 45t a très vite été rare, car malgré un certain succès radiophonique (il passait tous les soirs sur France Inter, à l’époque où les radios dites libres n’existaient pas), et une excellente presse, il n’avait été tiré qu’à un peu moins de 2000 exemplaires. Donc il a été vite vendu, et vite recherché par ceux qui ne l’avaient pas. Quant à « Fier de ne rien faire », beaucoup de groupe l’ont repris, à différents moments, ce qui explique un peu sa pérennité.

Quelle est la quote la plus élevée dont vous avez eu connaissance  ?

Je crois l’avoir vu à 250€ sur Ebay ! Ce qui bien sûr est débile, sachant que les trois chansons ont été enregistrées en même pas huit heures (mixage compris), dans un petit studio de la banlieue parisienne.

La pochette du 45t semble plus une étude typo inachevée qu’une vraie pochette. C’était une volonté ou un manque de moyen ?

C’est un peu les deux. Nous avions la volonté de rompre avec les images classiques du rock’n’roll, qui étaient de montrer un groupe devant un mur de briques. On aimait casser certaines habitudes, cette pochette était un moyen de le faire. Et puis, quelque part, elle avait un petit côté arty autoproduit qui correspondait bien à ce que l’on faisait.

Vous avez dû être sollicités pour de nombreuses compilations punk. Quelles sont les demandes les plus improbables que vous avez reçues ?

En réalité, il n’apparaît pas tant que ça sur des compilations, car nous avons quasiment toujours refusé qu’on utilise la chanson aux côtés d’autres que nous détestions à l’époque. Le 45t a par contre été souvent piraté, et pour ça on ne nous a pas vraiment demandé notre avis! Mais dans le genre improbable, un peu avant que l’album Born Bad ne sorte, j’ai appris que Jarvis Cocker avait diffusé « Euthanasie » dans son émission à la BBC.

On en arrive à l’album édité sur Born Bad. Cela fait quel effet de voir cet album « posthume » sortir 32 ans après le 45t ?

Un vrai bonheur, parce que la plupart des gens qui l’écoutent sont plus jeunes que nous et semblent comprendre ce que nous avons tenté de faire à l’époque, entre rock second degré et une certaine « barjoterie » musicale hors cliché. Le côté lo-fi d’une partie de ce que nous faisions (même si le mot n’existait pas en 1979) semble toujours d’actualité.

Quel a été votre rôle dans la conception de cet album?

J’ai été présent lors de la phase du remastering et du choix des morceaux (et il a écrit le livret de 24 pages qui accompagne l’objet – NDLA). Mais la plupart des membres du groupe ont participé à l’élaboration, en fouillant et en trouvant des trucs inédits dans leurs archives sonores et photographiques.

Born Bad vous a-t-il fait du chantage pour vous motiver à sortir ce disque ?

JB n’est pas le genre à faire la guerre aux groupes qu’il aime ! Non, ce qui m’a convaincu de faire le disque avec lui, c’est qu’il ne considérait pas les Olivensteins comme un groupe punk normal (ou ultime). Il avait parfaitement compris qu’il y avait une volonté de différence musicale dans ce que nous faisions, et que nous n’étions pas enfermés dans les critères et les limites d’un genre. Il y avait chez les Olivensteins un vrai décalage par rapport à la (maigre) scène punk française de l’époque, enfermée dans ses clichés et ses critères de mode. On aimait Clash, les Heartbreakers, Buzzcocks, mais aussi les centaines de groupes qui enregistraient alors leurs singles dans leur cuisine après avoir emprunté un magnéto d’un pote sans se donner la peine d’en lire le mode d’emploi.

Cet album comporte 13 titres, apparemment  tout le matériel audible des Olivensteins. Des regrets de n’avoir pas composé plus de titres?

En réalité, le groupe avait pas mal composé pendant ses seulement un an et demi d’existence, puisque lors du dernier concert en janvier 1980, il avait quand même 17 morceaux à son répertoire. Mais, hélas, tous n’ont pas – à l’époque – été enregistrés de façon correcte. Ce qui explique que sur l’album, il y ait plusieurs versions de certaines chansons. Mais attention! Il ne s’agit pas de trucs pour compenser, car certaines démos ou extraits live nous paraissent aujourd’hui réellement dignes d’intérêt, et pas seulement d’un point de vue « historique ».

Pouvez-vous nous décrire l’ambiance d’un concert des Olivensteins ?

C’était plus ludique que tendu. Surtout quand Gilles balançait de la viande sur les premiers rangs. Des vrais concerts de rock en fait, mais avec toujours quelque chose à voir et un public de fidèles qui grossissait à chaque fois.

S’il n’y avait pas eu le magasin de disque Mélodies Massacre à Rouen, le rock made in Rouen aurait-il eu un autre visage ?

Bien sûr. C’est à Mélodies Massacre que tous ceux qui avaient envie de faire quelque chose se retrouvaient et écoutaient des disques que l’on n’entendait pas ailleurs, ce qui donnait des idées. C’est sur le label de Mélodies Massacre qu’est sorti le 1er 45t des Dogs, sorte de détonateur de ce qui allait suivre ensuite à Rouen.

Qu’est devenue la scène rouennaise ? Le rock trouve t-il encore de la place dans les rues anciennes et chics de la ville ?

J’ai quitté Rouen il y a plus de vingt ans, donc je ne sais pas trop ce qui s’y passe. La nouvelle salle de concerts, le 106, va sûrement redonner du sang neuf.

Des projets? Des concerts pour célébrer la sortie de l’album ?

Surtout pas de concerts ! Car rechanter « Euthanasie Papy » quand on a passé un certain âge, ce serait pathétique, non ? Les Olivensteins, et leurs chansons étaient tellement liés à une époque précise que toute tentative de reformation sonnerait faux.

Un « fucking » message pour les lecteurs d’Abus Dangereux ?

Pour les 15 ans d’Abus, Cathimini m’avait demandé d’écrire un petit texte. Dedans je parlais d’un groupe, sans donner son nom. Pendant longtemps elle a voulu savoir de qui il s’agissait. (dans mon petit papier, je citais juste deux morceaux qu’il interprétait) Par jeu, je n’ai jamais voulu révéler quel était ce groupe mystérieux. En fait, il s’agissait du Grateful Dead !!! Car dans le genre « Abus Dangereux », il me semblait que les mecs du Dead étaient des champions hors catégories, des maîtres en la matière !

Ci-joint la fameuse intervention d’Eric pour le n°77: cliquez sur le lien —-    Interview Olivensteins Face 77 (Abus Dangereux) —–

Paskal Larsen

Les Olivensteins (Born Bad Records) CD ou vinylePochette dorée et brillante, incluant un livret de 24 pages écrit par Eric Tandy qui revient sur la carrière météorite du groupe.

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