Sueellen / Interview

SUEELLEN

« Ton univers impitoyable »

« Quand on trinque on dit Gezondheid. »

Sueellen est un groupe à géométrie variable mené par Benoit Richard. Comme dans un épisode de la série TV Dallas, au sein de Sueellen (et non pas Sue Ellen, le personnage alcoolo de la série) il y a pas mal de remue ménage dans le personnel. Ainsi la formation actuelle n’est pas la même que celle présente sur le premier album autoproduit et dispo depuis novembre 2010. Basé à Bruxelles et composé de musiciens venant de divers pays (Sicile, Suède, France et Belgique), Sueellen réalise un rock noise, dans l’esprit Sonic Youth, mais avec un côté plus posé, moins brut et parfois teinté de jazz. Seul, Benoit Richard basé aujourd’hui à Bruxelles est là pour témoigner de bout en bout du parcours singulier de ce groupe agité dans tous les sens du terme.

Benoit tu peux nous parler de l’origine, le choix du nom Sueellen ? Tu n’as pas peur que ce nom en référence au personnage Sue Ellen de la série TV Dallas finisse par te devenir néfaste, car l’image de cette actrice et de la série, ne sont pas dans le registre culte façon Le Prisonnier ? A moins que tu désires devenir un pacha du pétrole, ou bien tu es accro à la bouteille (rire) ?

Il y a un peu de vrai dans tout ça, on aurait dû s’appeler BB Blondes ou MLGT, on nous aurait laissé un peu plus tranquille par rapport à notre nom de groupe en tous cas (rires). A l’époque on était deux poilus avec chacun une folk et le nom de Sueellen nous allait comme un gant. On a fait seulement un concert puis je suis venu m’installer à Bruxelles. Le deuxième poilu lui a ouvert une cave en Vendée, ça doit être ça le lien le plus direct. Maintenant on ne se pose plus vraiment la question. A part ça à l’opposé, je trouve que les noms de groupe culturellement corrects sont plus limités dans leur marche de manœuvre. Regarde Nouvelle Vague (rires). Qu’est-ce que t’en penses?

De métier tu es photographe. Qu’est ce qui t’a motivé à te lancer dans la musique et monter un groupe ?

En fait je n’ai pas vraiment de métier. J’ai toujours eu des petits boulots à droite à gauche, veilleur de nuit, barman ou plongeur. J’ai eu la chance d’être édité une fois arrivé en Belgique mais j’ai appris en autodidacte autant la guitare que la photo quand j’avais 17 ans. Certaines périodes je les passais plus à jouer et composer qu’à faire mes bouquins photos et vice-versa. Il y a même quelques années les deux activités ont trouvé leur place dans un livret de photogrammes super8 qu’on a édité à quelques exemplaires. L’idée était de proposer à des amis musiciens de travailler par rapport à des plans de films que j’avais tournés et des bouts de chansons que j’avais commencé à écrire. Ceci dit, après cette expérience, Sueellen n’a jamais utilisé le support images pour créer telle ou telle atmosphère. L’idée était quand même de rompre avec la réflexion photographique, plus solitaire, introspective.

Tu peux nous faire un petit historique avec les passages marquant dans la genèse du groupe ?

Il y a d’abord eu mon premier groupe Judie Ed Banger c’était à Marseille en 1995. Il y a avait déjà quelques idées et un peu l’énergie de Sueellen. On utilisait une clarinette pour renforcer les larsens! I Can’t Stand sur l’album date de cette période. Après Il y a donc eut ce concert en 1997 avec mon pote caviste avec quelques idées des morceaux actuels de Sueellen puis je suis monté à Bruxelles et j’ai fait une grosse pause photo et cinéma jusqu’en 2004. J’avais même mis ma guitare en vente d’ailleurs mais personne n’en voulait alors je l’ai gardé dans un coin et puis j’ai rencontré David Amaducci. Il n’avait pas touché une basse de sa vie et on a créé les huit morceaux de l’album à deux. Disons qu’il a crée les basses des morceaux que j’avais déjà écrit. Par contre un morceau comme This House a été fait ensemble, en avançant petit à petit sur des plans guitares que j’amenais. Sinon les bons plans basses dans l’album c’est lui. Ca a duré deux ans avant qu’on sache jouer synchro et qu’on commence à enregistrer la première démo. Après il y a eu la rencontre de notre batteur Marco Sciré avec qui on a fait les premiers concerts puis ça a été très chaotique jusqu’à la fin de l’enregistrement. Depuis Julien Doigny a remplacé David, Nils Méchin a remplacé Cédric Manche (trompettiste de Carl) à la trompette, Thomas Grandjean de Big Pants fait la deuxième guitare et Marco Sciré a réapparu. Nous sommes désormais cinq sur scène.

Les membres de Sueellen viennent de divers pays. Vous vivez tous à Bruxelles?

Les membres actuels de Sueellen n’ont pas enregistré l’album mis à part quelques prises batteries de Marco, quelques basses de Julien et aussi mes prises guitares. Malheureusement seulement la moitié des batteries a été exploitable car on a eu trop peu de temps pour bien finir le boulot. On s’est donc retrouvé avec une moitié d’album correcte au niveau rythmique. Puis Marco a disparu de la circulation. On a dû faire sans lui et on a décidé de tout finir dans notre cave, orgues, guitares, batteries, le reste des basses. Tout enregistré avec du matériel acheté ou emprunté au fur et à mesure d’où cette longue période malgré nous. Un étudiant en son Léandro Garcia est venu nous aider et s’est investi totalement car on ne connaissait rien à l’enregistrement. Sinon on ne vit pas tous à Bruxelles encore maintenant. Marco est en Sicile et Thomas est suisse/SDF. Pour le deuxième album on va essayer d’être ensemble cette fois! (rires)

Malgré les origines diverses des membres du groupe, le son de l’album reste homogène. Comment c’est passé le travail de compositions et arrangements pour garder une unité de son. Benoit, tu es le boss, le chef d’orchestre qui donne les instructions précises?

Je reste le premier surpris que cet album sonne aussi homogène vu les différents batteurs et prises de sons qu’il y a eut! Toute une chanson a même disparu au dernier moment à cause de plantages d’ordinateur. On a alors demandé au trompettiste qui jouait aussi de la batterie de refaire tout Chop Down. Ca ne collait pas au niveau du jeu donc on a rappelé le deuxième batteur, Benjamin Meunier qu’on avait remercié après la mini-tournée américaine. Il a quand même accepté et on a mis encore six mois pour ce dernier morceau. A la base ce sont mes morceaux, mais je suis assez demandeur au niveau des arrangements et pour ce premier album ils ont été faits au fur et à mesure qu’on mixait avec David et Leandro. Il y a eut beaucoup d’allers-retours entre les enregistrements, les arrangements et les premiers mix. C’était sans fin d’ailleurs.

L’album démarre avec un titre de 12 minutes et s’achève par un de 11 minutes. Et entre les autres titres ont une durée plus conventionnelle. Ce n’est je pense pas un hasard, pourquoi ce choix, cet ordre ?

La durée des morceaux n’est jamais prédéfinie, on suit juste nos idées et on taille comme bon nous semble quand on les joue en répète, toujours en live. On retient les idées jusqu’au lendemain. On ne regarde jamais la durée de tel ou tel morceaux. D’où notre surprise parfois quand un morceau reste à 3 minutes ou parfois arrive très vite à 5 minutes ou même 12. On laisse comme c’est. Quand c’est chiant on raccourcit, quand ça vient trop vite, on essaie de faire durer.

Pour l’ordre des morceaux, à la base je souhaitais faire un album vinyle dans le genre de ceux qu’avait fait Neil Young avec Everybody This Is Nowhere et On The Beach. Des albums avec 5 morceaux en face A et trois longs en face B. Malheureusement nos longs morceaux dépassaient la durée d’une face donc on a oublié l’idée d’un simple vinyle et faire ça sur deux. L’ordre devenait alors plus libre. Après, l’intro de Kathleen s’imposait juste comme début d’album et la fin de Through Your Hair comme une fin d’album, assez naturellement. Après c’était comme un puzzle suivant l’intensité et certains enchaînements plutôt évidents.

Quels sont tes sources d’inspirations, sujets pour composer les titres ?

Plutôt des états d’âmes. Des phrases qui viennent dans des périodes de flottements.

La musique de Sueellen fait parfois penser à celle de Sonic Youth. C’est un groupe que vous aimez ? Vous pensez quoi sur eux ? Un exemple à suivre?

Oui en effet parfois ça sonne Sonic Youth, c’est ce qui ressort naturellement sur certains passages noises mais sur l’ensemble vraiment très peu quand on y regarde de plus près. Sinon Washing Machine au niveau de sa construction reste pour moi une référence. Après ce n’est pas forcément eux qui ont le plus influencé ce disque aussi bien au niveau des sons que des structures des chansons. Sonic Youth un exemple à suivre? Disons que par rapport à d’autres plans de carrière on a vu pire!(rires). J’ai cependant un peu lâché l’affaire ces dernières années vu que j’ai écouté beaucoup moins de rock ou de noise et j’ai dû rater les bons concerts où ils se permettaient d’improviser sur leurs plus longs morceaux. J’ai toujours eu droit à du très propre en fait. Et sinon j’ai raté aussi la période Confusion Is Sex ou Sister. Trop jeunot!

Pour l’instant l’album est autoproduit, pas de label. La raison ?

On s’est simplement concentré sur l’enregistrement avant de chercher un label et une fois le disque fini Chris de La Baleine (le distributeur) a découvert un titre par hasard en soirée via un copain DJ qui passait un titre. Il a décidé de le distribuer dans l’état. Le disque étant fini, la question de trouver un label ne se posait plus si ce n’est qu’ils auraient apporté leur bonus ‘crédibilité’ au ‘produit’. On s’en est passé et l’idée nous plaisait bien vu qu’on a tout fait en auto-production du début à la fin. N’étant pas puriste du DIY, être distribué donnait le coup de pouce au problème primordial de diffusion.

Bruxelles est une bonne ville où il est agréable d’y vivre en tant qu’artiste?

Toutes les villes sont propices à la création non? Pour glander en effet Bruxelles à l’air plus cool que d’autres capitales. Le coût de la vie y est un peu moins élevé. Sinon les artistes je ne sais pas trop. Vraiment, ici beaucoup de gens vivent du ‘statut’ d’artistes, ça à l’air plus simple qu’en France de l’obtenir mais je n’ai pas encore demandé de formulaire d’inscription. On est quasi tous chômeur. Ce qui revient au-même dans notre situation.

Est-ce que tu t’intéresses aux problèmes communautaires (identité wallon/flamand-notamment le sujet des langues) qui ont lieux en ce moment en Belgique ? Benoit tu parles le néerlandais ?

C’est assez dur de s’y intéresser en tant que français vu la complexité du problème et son côté un peu ‘régional’ et ça peut sembler drôle parfois vue de l’extérieur mais bon ça fait trois ans qu’il n’y a toujours pas de gouvernement donc les gens ne rigolent plus vraiment quand les frictions montent jusqu’à proposer une scission du pays. Sinon ma copine est flamande. Donc elle s’adapte plus que je m’adapte à sa langue (Les flamands parlent quasi tous français à Bruxelles). Je sais commander au bar et quelques jurons mais c’est déjà beaucoup plus corsé. Imaginez un pays ou quand on trinque on dit « Gezondheid ». Ca peut faire peur au premier abord. Mais après c’est plutôt joli.

L’esprit Sueellen en un mot ou une phrase ?

Là je ne sais pas. La dernière fois où nous l’a demandé c’était en deux mots. Donc non sincèrement on essaie de faire une musique rock brute et un peu élaborée en même temps. Sans trop tricher.

Les projets pour l’année 2011 ? Arrêter de fumer, de boire, visiter Dallas, envoyer l’album à Sue Ellen (rire) ?

Non rien de tout ça. On va continuer comme d’hab’, mais par contre jouer au Texas à Dallas dans ce club homo qui s’appelle ‘Sue Ellen’s’ ça peut être drôle! Et puis le chantier du deuxième album aussi qui est déjà écrit.

Paskal Larsen

« Sueellen » (Autoproduit/La Baleine)

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