DANIEL DARC (1959-2013)

Je me souviens, je me rappelle…


Photos © Marie Jérome

Daniel Darc marchait, il marchait dans les rues.

Et nous étions nombreux à le croiser, voûté, le dos cassé par de multiples chutes, mais l’aspiration toujours tendue vers le ciel.

Il pouvait aussi s’esquisser clochard céleste, à la limite du pathétique comme lors d’un des derniers concerts de Diabologum où il se prosterna en fin de set devant le groupe un peu gêné.

Une autre fois je le vis de nouveau à genoux sur le plancher de la Guinguette Pirate à noter dans son moleskine le nom des pédales d’effets utilisées par Quincannon sous le regard amusé de Henri-Jean Debon. Et en 2002, il était venu les rejoindre sur scène à l’improviste, comme surgissant de nulle part pour murmurer quelques choeurs sur le dernier morceau. Ainsi virevoltait Daniel entre misère et éclaircies.

Puis vint la collaboration avec Frédéric Lo en 2004 pour un sublime retour en grâce avec l’album « Crève Coeur ». Je ne pouvais manquer son concert de nuit programmé à 1 h du mat à la Boule Noire, Paris Pigalle, Paris mémoire.

Et cette mémoire neuve était-elle déjà défaillante ? Toujours est-il que je fus surpris de découvrir un prompteur au pied de son micro. Mais lui, si touchant prenant le visage d’une fille du public entre les paumes de ses mains et lui offrant une chanson, comme seuls au monde. Extrême, quelques mois plus tard ce sera sur la scène de l’Olympia, entre les armes d’Emma de Tribal Act qu’il se fera volontairement scarifier dans un acte de foi comme un sacrifice offert à son public.

Photos © Cathimini

Lui qui disait avoir gâché sa vie, se remit au travail pour une seconde réalisation avec Frédéric Lo. « Amours Suprêmes » sortie en janvier 2008 et nous offrit pour le meilleur un duo avec Bashung. Un an plus tard et des poussières, c’est aux funérailles de ce dernier que je recroisai Daniel Darc au Père Lachaise, resté près de la tombe, longtemps après que la foule se soit dissipée. Daniel Darc, on pouvait le croiser dans plusieurs salles de concerts aussi, s’intéressant à ce qui se faisait de neuf, de différent, comme à cette soirée spéciale programmée par Einsturzende Neubauten à La Villette, offrant au passage un baise main à une demoiselle inconnue. Car avec lui, la vie était pleine de ce quelque chose d’insaisissable qui faisait crépiter l’instant, sur le vif… comme dans cette poésie « Beat » qu’il aimait tant et dont il parsemait ses albums.

« La taille de mon âme », le dernier donc, sorti en novembre 2011, saturé de fougue et d’amour de la vie en était même une célébration. Son envie de partager, généreuse et impulsive était plus forte que tout. Durant la dernière tournée, il tint un journal de bord (le tour de son âme) où mots, photos et vidéos se frictionnaient dans une épiphanie vive de sens.

Photos © Frederic Lemaître

C’est en novembre dernier, dans une nuit noire et glaciale que je le vis pour la dernière fois. Concert intimiste et drôle, bourré d’anecdotes qu’il racontait entre deux chansons. Impeccablement accompagné par ses musiciens, l’ensemble tenait la route. L’interprète semblait increvable et disait encore récemment que la mort ne lui faisait pas peur, mais qu’ayant perdu beaucoup de temps il avait envie de faire d’autres disques, d’écrire des nouvelles : « J’ai pas peur de la mort, j’ai peur de l’échéance de mourir avant d’avoir fait ce que j’ai à faire ».

Il travaillait actuellement sur son autobiographie. Puissent les portes du paradis lui ravir le vertige des maux.

Frédéric Lemaître

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