Jackson C. Frank

Born To Lose

Les chanteurs folk ont toujours eu pour mission première de chanter la poussière, la douleur, la misère de leurs contemporains. Jamais bien loin d’une bouteille de Jack Daniels, les guitares se faisaient témoins d’un quotidien peu reluisant, loin des paillettes d’un show-business qui saura quand même récupérer les plus grands titres de leurs auteurs anonymes. Parmi les seconds couteaux de ce genre immortel, parce que vital, dans l’ombre des figures imposantes que furent Dylan, Johnny Cash ou Nick Drake, Jackson C Frank est parvenu enfin a un semblant de postérité, porté par les nouvelles générations et quelques films à la bande-son parfaite. Il faut dire que la vie de cet américain méconnu ne pourrait pas coller plus à la lose légendaire qui entoure le genre depuis les pionniers du début du 20e siècle.

Né aux Etats-Unis en 1943, le jeune Jackson se retrouve à moitié mort, brûlé par l’explosion d’une chaudière dès l’âge de 11 ans ! Avec l’argent de l’assurance, il décide de partir vivre sa vie en Angleterre, composant quelques titres qu’il chante timidement dans les bars londoniens. Jusqu’au jour où un certain Paul Simon lui propose d’aller plus loin et d’enregistrer un album, persuadé que les compositions et la voix du bonhomme pourront toucher le public ! Le 1er album de Frank voit donc le jour en 1965, produit par le copain de Garfunkel, et propose les titres qui deviendront mythiques « Blues Run The Game » « My Name is Carnival » ou le fameux « Marcy’s Song ». Il faudra pourtant patienter jusqu’en 1996 pour voir une première réedition de cet album légendaire (agrémenté de bonus en 2003 sur une version 2 Cd).

Si les noms de Fred Neil, Tim Hardin, Tim Buckley ou Townes Van Zandt se sont installés parmi les références incontournables du folk US, celui de Jackson fait encore figure d’ovni alors que ses chansons ont été interprétées par Nick Drake, Bert Jansch, Simon & Garfunkel, Sandy Denny ou la nouvelle génération : Laura Marling, Youn Sun Nah, Erland & The Carnival…Jamais sur le devant de la scène, sans le sou, Frank finira sa vie dans la rue, prenant même une balle qui le laissera borgne et à moitié infirme. De santé fragile, il meurt en 1999 , SDF, dans une indifférence généralisée qui frôle l’indécence.

Des gens de goût sauront s’en souvenir : dans « The Brown Bunny », Vincent Gallo utilisera « Milk & Honey », dans « Electroma », les Daft Punk lui emprunte « I want To Be alone » avant que Sean Durkin ne demande à l’acteur John Hawkes d’interpréter « Marcy’s Song » pour les besoins du remarqué « Martha Marcy May Marlene », qui le ressort une nouvelle fois de l’oubli. Le moment idéal pour se plonger à corps perdu dans cet album magique et intemporel qui aura sauvé sûrement bien des vies, à défaut de celle de son auteur. Comme bien trop souvent….

Fabrice Bonnet

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